Linguistique - Anthroponymie - Toponymie : ce forum est réservé aux questions de vocabulaire, explications de noms de famille, de noms de lieux, de termes trouvés dans les inventaires,... et entre autres aux traductions français / latin / breton.
Dans la correspondance d'un marin à sa famille en 14-18, quelques passages sont écrits en breton. Un bretonnant pourrait-il m'en faire la traduction s'il vous plait ?
"Demain il y a bataille de confettis à mon bord c'est à dire que l'on embarque du charbon. ici il y aura des garçons qui auront les yeux noirs encore [...] Enfin toujours le même pas bileux"
Bonjour Véronique, Je ne suis pas la bonne personne mais l'exercice me tente. 2 mots ne sont pas clairs: gui.... et dru.... "ar paot braz a gui... e gorf evel eun dru.....)
Si on admet guisk et drujenn (treujenn kaol: le trognon du chou à vaches) ça pourrait faire mot à mot
le grand gars qui 'habille son corps comme un trognon En français on a l'expression " grand échalas " qui n'en est pas loin.
Notre marin s'exprime de façon énigmatique avec des expressions comme "bataille de confettis" , " embarquer du charbon" " les garçons auront les yeux noirs". La suite de la lettre nous éclaire-t-elle sur le sens de ces expressions?
Bon j'ai pris un risque .Je vais certainement recevoir une leçon de bien meilleurs brittophones que moi. Je l'aurais cherchée.
C'est un écrit sans doute un peu codé et en partie en breton pour échapper à la censure .(temps de guerre) Embarquer du charbon doit sans dire vouloir dire embarquer du vin rouge et l'expression " aman et vezo.......a darre "" il y aura des gars qui auront trop bu" Cordialemnent
aman (ici) a vezo (il y a) potred (des gars) ag a vezo (qui ont) du o daoulagad a darre("noir les yeux encore") , ar paot braz (un grand gars) da guenta e gorf evel eun prujen (
La derniere phrase (soulignée) ne me "revient" pas !!!
Cordialement, François.
Francois MEVELLEC, Né à CORAY, nombreux ascendants sur ELLIANT, TOURCH, LANGOLEN, TREGOUREZ, EDERN, BRIEC, PLOGONNEC, LAZ & SAINT GOAZEC. CGF 07912 (Antenne de Quimper) CG22 3962 Site : http://www.fazery.net
S'il y a une lettre qui est caractéristique de l'écriture de notre matelot c'est bien le d. Demain, du (charbon) potred, adarre.
Et c'est bien ce d très particulier l'initiale du mot qui nous agace.
Quant à ses p on en trouve plusieurs mais tout à fait ordinaires.
autre remarque grammaticale celle-ci ; l'article un qu'il écrit eun. On n'utilise un que devant un n, un d , un t ou un h. Devant un p on utiliserait ur
Donc je ne crois pas à prunen.
e gof evel ur prunen (son ventre comme une prune) ça peut s'entendre mais e gorf evel ur prunen (son corps comme une prune)....?????....
Bonjour à tous, Jacques dans son dernier post donne "treujen" pour trognon ( grand sec et mince ) par contre "treujenn-kaol" est le surnom de la clarinette, peut-être en rapport avec le vin embarqué en douce.Qu'en pensez vous? Kenavo du Périgord.
Il nous faudrait un dictionnaire de l'argot employé dans la marine ( je n'y connais rien) Quel est le sens de "confetie" si la lecture est bonne. et "embarquer du charbon" car je continue à penser que cette partie est codée sinon pourquoi employer le breton pour une phrase si banale
A tous un grand merci pour vos interventions. Je poursuis la lecture des autres cartes postales de notre marin, qui écrit à sa jeune cousine (17 ans en 1914) et future belle-sœur. Il est toujours très courtois et respectueux dans son langage, et d'Oran ou de St Nazaire, il semble avoir plaisir à glisser quelques mots en breton sur sa carte, davantage sans doute par nostalgie du pays que par souhait de cacher quelque chose. Aussi je pencherais pour du vrai charbon et non du vin.
Si vous permettez, je mettrai d'autres extraits de sa correspondance à la suite de ces messages et ferai de nouveau appel à vos talents de traducteurs !
Je pense également qu'il s'agit de vrai charbon : ces navires en consommaient des tonnes et cela nécessitait des fréquentes corvées de chargement de briquettes. Un moyen de le vérifier : les journaux de bord (en ligne sur Mémoire des Hommes) des navires de 14-18 qui portent mention de ces approvisionnement en charbon (date, quantité embarquée).
Par ailleurs, ayant moi-même participé à des corvées de boissons entre le quai et les réserves du bord, je puis affirmer que ces corvées étaient particulièrement surveillées, et bien malin qui arrivait à en distraire quelque menu breuvage. Parfois la récompense pour la corvée était d'UNE canette de bière...
Véronique connaît le contexte familial dans lequel a été écrite cette correspondance mieux que nous et j'ai sans doute tendance à affabuler.On en reste donc à une lecture au 1er degré. Les "conféties" seraient donc les briquettes de charbon et il n'est guère étonnant que les gars qui les manipulent aient "les yeux noirs" . Je pensais que les chaudières étaient alimentées à l'anthracite .
Merci Hervé pour les conseils sur le journal de bord !
Notre marin semble très attaché à son bateau. En novembre 1915 il écrit :
"Je suis arrivé depuis hier matin sur mon vieux Cassard, depuis si longtemps que j'attendais je suis très content de mon embarquement, c'est le bateau du Bon Dieu. Le travail n'est pas dur bien au contraire ce n'est plus la Jeanne D'Arc"
J'ai donc consulté le journal de bord du Cassard, et effectivement le 4 février 1916 on peut lire ceci :
Ravie de pouvoir relier la correspondance et le journal de bord !!!
Les correspondances anciennes sont toujours, au-delà de l’aspect affectif, bien intéressantes sur le plan sociologique et linguistique ; celle-ci n’échappe pas à la règle.
Il y a, dans la partie rédigée en breton, un mot « mystère » : celui que certains ont vu « prunenn », d’autres « t/dreuchenn ». Pour ma part je lis « e gorf evel eun drusenn ». C’est le féminin, de « drus », qui veut dire « diable, démon ». On traduit donc par « diablesse ». Mon interprétation de l’expression : « le grand gars qui fait le fou, enfin toujours le même » (littéralement : le grand gars avec le corps comme celui d’un diablesse ). Qu’en pensez-vous ?
remarque annexe sur l’orthographe : celle de ce marin (« eun » pour l’actuel « un » par exemple ) est du KLT ancien, orthographe des textes en breton utilisée alors dans les éditions de tous les ouvrages pour les pays cornouaillais (Kerne), léonard (Leon ) et trégorrois (Treger ). Elle est la plus proche de la langue parlée. L’orthographe la plus utilisée aujourd’hui dans l’enseignement et l’édition a fait la synthèse des quatre grands dialectes, les trois recouverts par le KLT plus le Vannetais ; c’est ce qu’on appelle l’orthographe unifiée.