Bonjour,
Je suis de l'avis d'André-Yves, dont la proposition de traduction est séduisante. Je fréquente aussi beaucoup les archives et les documents anciens autres que les BMS concernant le Léon. Les mentions de profession sont rares, et, autant le qualificatif de ménager est courant, autant celui de laboureur n'apparait presque jamais. Pour moi, un laboureur léonard est ce qu'ailleurs (en Provence par exemple) on appelle un travailleur, soit un statut proche du moderne journalier. Un de mes ancêtres, marié à Saint Pabu en 1707, donc dans les mêmes années que la mention et probablement par le même recteur, est qualifié de "pauvre poissonnier", ce que je pense il faut comprendre comme pauvre pêcheur, et non vendeur de poisson.
Il faudrait recenser les occurences de "laboureur" dans le Léon et vérifier si les individus sont aussi ménagers. Je pense que les précisions de métiers dans les BMS de Saint Pabu sont très circonscrites dans le temps et probablement le fait d'un seul prêtre, connaitre ces mentions et les mettre en relation avec les familles concernées permettrait de progresser.
Même à l'intérieur de la Basse Bretagne, les réalités culturelles et leurs traductions peuvent varier dans le temps et l'espace, et c'est tout l'intérêt de l'histoire locale que de mesurer ces variantes.
Cordialement,
Pauvre laboureur - Saint Pabu - 1704
Modérateur : L'équipe du forum
-
- Messages : 199
- Enregistré le : 20/11/2006 18:03
- Localisation : (13) Marseille
pour Olivier Moal
Bonjour,
Voilà une réponse argumentée à laquelle je peux adhérer. Comme je le soulignais dans un précédent message : je n'ai pas couvert dans le détail TOUS les relevés des BMS du Finistère et donc j'écrivais : "mais je peux me tromper".
L'idéal serait en effet de travailler sur le plus large panel possible pour se faire une idée plus précise. En ce qui me concerne, le panel que j'ai étudié est déjà pas mal représentatif et cela me permet d'écrire ce que j'ai écrit. Mais, il est vrai que ce panel ne couvre pas le Léon et que les spécificités locales sont possibles.
Bien à vous
Yann Cochennec
Voilà une réponse argumentée à laquelle je peux adhérer. Comme je le soulignais dans un précédent message : je n'ai pas couvert dans le détail TOUS les relevés des BMS du Finistère et donc j'écrivais : "mais je peux me tromper".
L'idéal serait en effet de travailler sur le plus large panel possible pour se faire une idée plus précise. En ce qui me concerne, le panel que j'ai étudié est déjà pas mal représentatif et cela me permet d'écrire ce que j'ai écrit. Mais, il est vrai que ce panel ne couvre pas le Léon et que les spécificités locales sont possibles.
Bien à vous
Yann Cochennec
- Francine Laude (†)
- Modératrice
- Messages : 11329
- Enregistré le : 21/02/2007 7:15
- Localisation : (06) Colomars
-
- Messages : 323
- Enregistré le : 24/02/2007 10:22
- Localisation : (29) Trégor
Re: pour Olivier Moal
cochennec a écrit :Bonjour,
Voilà une réponse argumentée à laquelle je peux adhérer.
Olivier est venu au soutien de ma proposition, par le biais d'une réponse argumentée, ce qui n'était pas le cas de la mienne.
Pour reprendre l'expression de Yann, je me suis jadis "cogné" les registres BMS d'un territoire couvrant une trentaine de paroisses à cheval sur la frontière du Trégor et de la Cornouaille (de Bourbriac à Bothoa), ainsi que de nombreux autres fonds d'archives (juridictions seigneuriales, royales, etc.) correspondant au territoire en question : je n'ai pas trouvé à cette occasion de quoi affirmer que le terme de "laboureur" s'appliquait aux seuls agriculteurs "aisés" et comme je l'ai dit, il me semble que ce terme traduit le breton "travailleur", sans notion d'un éventuel statut social. En revanche, quand ces "laboureurs" étaient aisés, on les voit qualifiés "honorable homme", voire "sire", "maître", etc.
Tout cela n'appartient pas au Léon, ni à la Cornouaille finistérienne, mais me semble devoir être versé au dossier.
Enfin, sans aucune acrimonie, que Yann veuille bien me permettre de lui dire que sa formule "Il y a trop d'éléments concordants pour nier cette réalité" me semble excessivement péremptoire dans un domaine où la terminologie n'est pas toujours facile à interpréter.
Cordialement,
André-Yves Bourgès
Bonjour à tous.
Voici une autre pièce à verser à ce débat très intéressant. Elle me semble puisée à la meilleure source puisqu'il s'agit d'une synthèse issue du corpus des vocables utilisés par les Recteurs du Léon en 1774, dans leurs réponses apportées à l'enquête sur la mendicité lancée par leur évêque.
Je cite Fanch Roudaut, D. Collet, et J.-L. le Floc'h :
"Les diverses façons d'être paysan : "Cultivateur", ce vocable est rarement employé au XVIIIe siècle - notre corpus en témoigne - pour désigner les travailleurs de la terre. Les plus aisés, les ménagers, seraient, dans le Bassin parisien, qualifiés de laboureurs, alors que ce mot en Bretagne s'applique assez indifféremment à tous les paysans, à preuve la coexistence, dans les réponses des recteurs, de "laboureurs ménagers" avec des "laboureurs journaliers" ou autres "laboureurs de journée". Le terme de "ménager" lui-même n'est pas univoque et il peut être pris dans un sens plus large que celui énoncé plus haut ; le "ménager" est alors le chef de ménage, à la tête d'une exploitation agricole ou - acception encore plus étendue - d'une famille."
Extrait de "1774 : Les recteurs léonards parlent de la misère", Sté archéologique du Finistère, 1988, p. 19.
Cordialement,
Eric
CGF n° 4254
Voici une autre pièce à verser à ce débat très intéressant. Elle me semble puisée à la meilleure source puisqu'il s'agit d'une synthèse issue du corpus des vocables utilisés par les Recteurs du Léon en 1774, dans leurs réponses apportées à l'enquête sur la mendicité lancée par leur évêque.
Je cite Fanch Roudaut, D. Collet, et J.-L. le Floc'h :
"Les diverses façons d'être paysan : "Cultivateur", ce vocable est rarement employé au XVIIIe siècle - notre corpus en témoigne - pour désigner les travailleurs de la terre. Les plus aisés, les ménagers, seraient, dans le Bassin parisien, qualifiés de laboureurs, alors que ce mot en Bretagne s'applique assez indifféremment à tous les paysans, à preuve la coexistence, dans les réponses des recteurs, de "laboureurs ménagers" avec des "laboureurs journaliers" ou autres "laboureurs de journée". Le terme de "ménager" lui-même n'est pas univoque et il peut être pris dans un sens plus large que celui énoncé plus haut ; le "ménager" est alors le chef de ménage, à la tête d'une exploitation agricole ou - acception encore plus étendue - d'une famille."
Extrait de "1774 : Les recteurs léonards parlent de la misère", Sté archéologique du Finistère, 1988, p. 19.
Cordialement,
Eric
CGF n° 4254
laboureurs
Bonjour à tous,
1) Merci à M. Kerreneur pour cette intéressante contribution. Il a trouvé ce texte auquel je faisais allusion et qui n'est pas l'ouvrage d'un père abbé mais le fruit d'un travail collectif publié par la SAHF.
Un éclairage extrêmement intéressant mais qui correspond aussi à un moment donné et une zone géographique précise : le Léon à la fin du 18ème. Un Léon en pleine crise économique suite à l'effondrement de l'industrie du lin, je crois.
2) pour AYB
a) je pense que vous n'avez pas assez pris le temps de lire attentivement tous les messages
b) donc pour résumer voilà ce que j'ai écrit :
- je n'ai pas lu dans le détail tous les relevés des BMS du CGF
- que la lecture de ces BMS ne permet pas forcément de faire la différence entre un laboureur aisé et un laboureur pauvre
- qu'il se trouve que tous les individus que j'ai lus qualifiés de laboureur et même laboureur de terre (coïncidence, hasard, Saint esprit ?) dans les BMS
1) étaient qualifiés de ménagers dans les aveux. Si ce n'était pas eux ils s'agissaient de leur père ou de l'un de leurs fils
2) que certains d'entre eux apparaissaient comme fabriques de l'Eglise paroissiale (ce qui m'a permis de constater au passage qu'ils s'agissaient pratiquement de toujours les mêmes familles à tour de rôle et par voie de conséquence je me suis intéressé à ces autres familles pour découvrir les mêmes choses). Si ce n'étaient pas eux il s'agissait de leurs pères ou de leurs fils
3) que leurs épouses avaient le même profil, étaient elles mêmes filles de ménager ou de maîtres artisans ou d'officiers de justice seigneuriales,...
4) que les parrains et marraines des enfants de ces laboureurs.. (idem)
5) que ces laboureurs avaient pour oncles, cousins, neveux : un prêtre, un métayer, un marchand, un officier de justice seigneurial, un maître artisan, idem pour leurs épouses,.....
6) que ces laboureurs apparaissaient également parmi les gros contribuants à la capitation et au Vingtième.....Si ce n'étaient pas eux, ils s'agissaient de leurs fils....
etc, etc......
Par contre, je n'ai pas encore trouvé de laboureur/laboureur de terre/ménager qualifié de maître. Désolé dans deux cas : les individus étaient également "notaire". En ce qui me concerne, le qualificatif de maître s'applique surtout aux maîtres artisans et aux officiers de justice seigneuriale.
J'ajoute que je suis désormais sur les BMS en ligne d'une grosse vingtaine de paroisses du Morbihan et j'en arrive au même constat que plus haut. Des BMS qui valident au passage les travaux de Jean Gallet qui se sont appuyés sur les aveux. Ce qui ne me surprend pas car il a puisé aux meilleures sources : les archives.
(Quand Jean Gallet a réalisé son ouvrage, Internet n'était pas disponible au plus grand nombre et les BMS n'étaient pas ligne). Mais, la lecture de ces BMS montre une fois de plus que son ouvrage est "FONDATEUR" malgré son titre restrictif tant au niveau du contenu que de la méthode.
Pour terminer, je constate deux choses :
- les archives n'ont pas fini de livrer tous leurs trésors
- que ces archives n'ont pas fini de bousculer certaines certitudes que les scribes et les érudits nous ont servies jusqu'à présent. Certitudes sur le plan linguistique et le plan social, voire même historique (ex : la révolte de 1675). Scribes et érudits qui n'ont pas hésité, dans certains cas, à "repomper" les erreurs de leurs prédécesseurs, erreurs que les successeurs des premiers nous reservent aujourd'hui.
dernière chose : la Bretagne fut manifestement une région très diverse et morcellée tant sur le plan social, politique et linguistique.
Bien à vous
Yann Cochennec
1) Merci à M. Kerreneur pour cette intéressante contribution. Il a trouvé ce texte auquel je faisais allusion et qui n'est pas l'ouvrage d'un père abbé mais le fruit d'un travail collectif publié par la SAHF.
Un éclairage extrêmement intéressant mais qui correspond aussi à un moment donné et une zone géographique précise : le Léon à la fin du 18ème. Un Léon en pleine crise économique suite à l'effondrement de l'industrie du lin, je crois.
2) pour AYB
a) je pense que vous n'avez pas assez pris le temps de lire attentivement tous les messages
b) donc pour résumer voilà ce que j'ai écrit :
- je n'ai pas lu dans le détail tous les relevés des BMS du CGF
- que la lecture de ces BMS ne permet pas forcément de faire la différence entre un laboureur aisé et un laboureur pauvre
- qu'il se trouve que tous les individus que j'ai lus qualifiés de laboureur et même laboureur de terre (coïncidence, hasard, Saint esprit ?) dans les BMS
1) étaient qualifiés de ménagers dans les aveux. Si ce n'était pas eux ils s'agissaient de leur père ou de l'un de leurs fils
2) que certains d'entre eux apparaissaient comme fabriques de l'Eglise paroissiale (ce qui m'a permis de constater au passage qu'ils s'agissaient pratiquement de toujours les mêmes familles à tour de rôle et par voie de conséquence je me suis intéressé à ces autres familles pour découvrir les mêmes choses). Si ce n'étaient pas eux il s'agissait de leurs pères ou de leurs fils
3) que leurs épouses avaient le même profil, étaient elles mêmes filles de ménager ou de maîtres artisans ou d'officiers de justice seigneuriales,...
4) que les parrains et marraines des enfants de ces laboureurs.. (idem)
5) que ces laboureurs avaient pour oncles, cousins, neveux : un prêtre, un métayer, un marchand, un officier de justice seigneurial, un maître artisan, idem pour leurs épouses,.....
6) que ces laboureurs apparaissaient également parmi les gros contribuants à la capitation et au Vingtième.....Si ce n'étaient pas eux, ils s'agissaient de leurs fils....
etc, etc......
Par contre, je n'ai pas encore trouvé de laboureur/laboureur de terre/ménager qualifié de maître. Désolé dans deux cas : les individus étaient également "notaire". En ce qui me concerne, le qualificatif de maître s'applique surtout aux maîtres artisans et aux officiers de justice seigneuriale.
J'ajoute que je suis désormais sur les BMS en ligne d'une grosse vingtaine de paroisses du Morbihan et j'en arrive au même constat que plus haut. Des BMS qui valident au passage les travaux de Jean Gallet qui se sont appuyés sur les aveux. Ce qui ne me surprend pas car il a puisé aux meilleures sources : les archives.
(Quand Jean Gallet a réalisé son ouvrage, Internet n'était pas disponible au plus grand nombre et les BMS n'étaient pas ligne). Mais, la lecture de ces BMS montre une fois de plus que son ouvrage est "FONDATEUR" malgré son titre restrictif tant au niveau du contenu que de la méthode.
Pour terminer, je constate deux choses :
- les archives n'ont pas fini de livrer tous leurs trésors
- que ces archives n'ont pas fini de bousculer certaines certitudes que les scribes et les érudits nous ont servies jusqu'à présent. Certitudes sur le plan linguistique et le plan social, voire même historique (ex : la révolte de 1675). Scribes et érudits qui n'ont pas hésité, dans certains cas, à "repomper" les erreurs de leurs prédécesseurs, erreurs que les successeurs des premiers nous reservent aujourd'hui.
dernière chose : la Bretagne fut manifestement une région très diverse et morcellée tant sur le plan social, politique et linguistique.
Bien à vous
Yann Cochennec
-
- Messages : 323
- Enregistré le : 24/02/2007 10:22
- Localisation : (29) Trégor
Re: laboureurs
Bonjour Yann, bonjour à tous
Bien d'accord avec vous, ce qui m'incline à relativiser certaines des affirmations que je lis sous la plume de généalogistes ; mais je confesse volontiers que je ne suis pas un spécialiste de cette matière, mes travaux portant essentiellement sur l'hagio-historiographie médiévale.
Bien cordialement,
André-Yves Bourgès
cochennec a écrit :dernière chose : la Bretagne fut manifestement une région très diverse et morcellée tant sur le plan social, politique et linguistique.
Bien d'accord avec vous, ce qui m'incline à relativiser certaines des affirmations que je lis sous la plume de généalogistes ; mais je confesse volontiers que je ne suis pas un spécialiste de cette matière, mes travaux portant essentiellement sur l'hagio-historiographie médiévale.
Bien cordialement,
André-Yves Bourgès
laboureurs (pauvres de nous)
Bonsoir André-Yves,
1) Finalement on en apprend tous les jours. Grâce à M. Kerreneur, j'ai appris que pour un recteur léonard, ménager pouvait signifier chef de ménage. Définition d'une logique confondante. Par contre, cela m'intéresse de savoir si l'auteur de cette formule était bien un recteur léonard de souche ou un recteur "gallo" envoyé en exil dans le Léon.
2) Vous avez raison : arrêtons de nous "titiller l'appodex" comme aurait pu le dire l'une de vos héroïnes médiévales au détour d'une traduction de texte latin.
Bien à vous
Yann Cochennec
1) Finalement on en apprend tous les jours. Grâce à M. Kerreneur, j'ai appris que pour un recteur léonard, ménager pouvait signifier chef de ménage. Définition d'une logique confondante. Par contre, cela m'intéresse de savoir si l'auteur de cette formule était bien un recteur léonard de souche ou un recteur "gallo" envoyé en exil dans le Léon.
2) Vous avez raison : arrêtons de nous "titiller l'appodex" comme aurait pu le dire l'une de vos héroïnes médiévales au détour d'une traduction de texte latin.
Bien à vous
Yann Cochennec