Bonjour, Dans la famille Le GOT, voici la nécrologie d'un allié : Marc CHEVER victime de la catastrophe de son navire l'Iéna
Cet article m'a gentiment été communiqué par Denez GOASGUEN
08/04/1902 Plouguerneau (Pays : Lannilis ) Mariage
CHEVER Marc Joseph Marie, majeur, âgé de 26 ans, né le 14/01/1876 à Landéda (Lieudit : Lambézellec), Quartier maître mécanicien
Fils de Jean , décédé le 11/12/1893 à et de LE VERGE Marie Françoise, signe
Notes concernant l'époux : La mère habite Lambézellec. Le marié a signé. Il a été autorisé à contracter mariage par délibération du conseil d'administration du 2ème dépôt des équipages de la flotte en date du 18/03/1902.
LE GOT Marie Anne Gabrielle, majeur, âgée de 26 ans, née le 19/12/1875 à Plouguerneau (Lieudit : Diouris), Repasseuse
Fille de Jean , décédé le 24/02/1901 à Plouguerneau et de ROUDAUT Marguerite, signe
Notes concernant l'épouse : la mariée a signé
Témoins : Pierre MAILLOUX (s) 30 ans de Lambézellec ouvrier au port beau-frère de l'époux, Gabriel COUM (s) 34 ans de Lambézellec ouvrier au port beau-frère de l'époux, Jean LE GOT (s) 28 ans frère de l'épouse et Yves NICOLAS (s) 29 ans propriétaire cousin de la x.
Vendredi 22 Mars 1907 Extrait de Journal :
Plouguerneau. Obsèques du second maître mécanicien Chevert.
Les obsèques du second maître mécanicien Marc Chevert, victime de la catastrophe de l’Iéna, ont eu lieu hier, à Plouguerneau, avec une touchante simplicité.
Un piquet de douze marins sans armes et de sept élèves mécaniciens, commandés par le maître de timonerie Sévellec, du 2e dépôt des équipages de la flotte, avait été désigné pour rendre les honneurs militaires au défunt.
Ce détachement a pris, hier matin, le train de 8 h. 15, à destination de Lannilis.
Le convoi, composé de six wagons et d'un fourgon contenant la dépouille mortelle du second maître mécanicien Chevert, arrive vers dix heures à la gare, où se presse toute la population de la commune.
Sur l'ordre de M. Jestin, adjoint au maire à Lannilis, la porte du wagon roule sur ses rails, et le cercueil apparaît avec l'unique couronne qui le pare.
La malheureuse veuve, que la douleur accable, étouffe des sanglots; elle chancelle, et les personnes qui l'accompagnent doivent la soutenir quand le prêtre fait la levée du corps.
Un commandement bref retentit. Les marins, alignés en bon ordre sur le quai,
la jugulaire sous le menton, prennent la bière et la portent dans une charrette anglaise attelée d'un vigoureux postier breton.
On recouvre le cercueil d'un drapeau tricolore, puis le cortège se met en marche, sous un soleil brûlant, qui fait étinceler la croix d'or que porte l'enfant de chœur.
En tête, derrière la croix, vient le clergé de Lannilis, psalmodiant des prières, puis le char de fortune, qu'ornent le pavillon national et trois superbes couronnes : l'une, en fleurs naturelles, offerte par l'état-major et l'équipage du « Magenta », à Toulon, et les deux autres, en perles, apportées par la veuve et les membres de la famille du défunt.
Une section de marins forme la haie de chaque côté du corbillard et, derrière, viennent les officiers mariniers et marins composant l'escorte.
Le deuil est conduit par le beau-frère du défunt, M. Le Got, quartier-maître infirmier à bord de l’Escopette, ayant à ses côtés la veuve, les cousins et cousines du malheureux Chevert. Les membres de la famille précèdent une foule nombreuse de cultivateurs et de cultivatrices.
Les hommes, vêtus d'une courte veste noire, s'avancent tête nue, les bras croisés sur la poitrine, dans une attitude respectueuse et recueillie.
Les femmes, portant presque toutes la coiffe du pays et de longs châles de deuil, retombant jusqu au bas de leur jupe noire, égrènent dévotement les grains de leur chapelet.
nous remarquons, parmi la nombreuse assistance MM. André Abjean, adjoint au maire de Plouguerneau ; Tréguer, lieutenant de vaisseau, de Landéda, Labasque, second-maître mécanicien ; Nédélec, directeur d'école à Plouguerneau; Le Gall, notaire ; François Abjean, petit-fils du maire ; François Cabon et Jean-Marie Roudaut, adjoints au maire; Beinic, receveur de l'enregistrement ; Parcou,
agent-voyer ; de Poulpiquet, propriétaire ; Allard, percepteur à Lannilis ; Cahérec et Bleunven, négociants en vins ; Jaffrès, 1er maître de la marine ; Mmes Labasque, Bars, Mlle L. Labasque, etc....
Le cortège, ainsi composé, traverse lentement le bourg de Lannilis, au milieu d'une haie de curieux, puis il s'avance sur la route poudreuse, bordée de landes et de genêts en fleurs.
Tous les sentiers de traverse sont sillonnés d’habitants du pays ; ils s'agenouillent sur le gazon qui borde le chemin, font un grand signe de croix quand passe le cercueil, et se joignent au long cortège qui s'enfonce dans la campagne, serpentant le long des vallons, gravissant les collines.
De distance en distance, les prêtres chantent, les enfants de chœur répondent à ces chants liturgiques et, bercés par cette triste mélopée, les personnes qui suivent le convoi gagnent le pont suspendu de Paluden, limite de la commune de
Lannilis.
Une courte halte a lieu à cet endroit. Les douaniers, rangés sous les ordres de leur chef, le sous-brigadier Le Scanf, saluent militairement, puis ils viennent prendre place, en bon ordre, derrière les officiers mariniers et marins.
Au clergé de Lannilis se joignent tous les prêtres de Plouguerneau, et le convoi reprend sa marche lente. Les cloches des chapelles tintent.
Les femmes de Plounéour-Trez attendent, sur un tertre, le passage du convoi. Elles s'agenouillent, se signent et suivent la foule.
Voici M. François Cabon, maire de Plouguerneau. Avec les pompiers, commandés par le sous-lieutenant Abjean, il prend place dans le cortège, à l'entrée du bourg. Les chants religieux redoublent, le glas sonne.
La foule, immense, s'écarte, livrant passage au convoi funèbre.
Dans l'église, dont le chœur est garni de draperies mortuaires lamées d'argent, les enfants des écoles sont rangés, surveillés par des religieuses. La nef et les bas-côtés s'emplissent rapidement; le cercueil, porté par six marins, est déposé au milieu de l'église, sur un catafalque, et la cérémonie religieuse commence.
La belle couronne offerte par le « Magenta », placée trop près d'un cierge, s'enflamme. On s’en aperçoit heureusement à temps, et le service funèbre se poursuit sans donner lieu à aucun autre incident.
Après l'évangile, M. le chanoine Talabardon, curé de la paroisse, monte en chaire et prononce l'oraison funèbre suivante :
Mes frères,
Pourquoi cette église porte-t-elle aujourd'hui sa parure de deuil ? Pourquoi les chrétiens se réunissent-ils si nombreux dans l'enceinte sacrée ? Mme Anne-Marie Got vient pleurer avec ses parents et ses amis sur les dépouilles mortelles d'un époux bien aimé. Landéda pleure l'un de ses vaillants fils, Plouguerneau pleure son enfant d'adoption, la France pleure un de ses marins, mort victime du devoir à bord de « Iéna » en feu.
Devant ce cercueil de Marc-Joseph Chevert, permettez au pasteur de cette paroisse d'offrir à la femme si cruellement éprouvée les respectueuses condoléances du clergé, de la municipalité et du peuple. Devant ce cercueil d'un enfant de Plouguerneau, d'un chef de famille, d'un marin de la France, laissez moi vous dire en quelques mots comment dans ce coin retiré de la Bretagne et de la France, comment dans cette commune qui compte 900 inscrits maritimes et 150 marins de l'Etat, se forme un jeune marin. La mère apprend de bonne heure à son fils à bénir Jésus et aimer la France....
Quand l'enfant commence à grandir, le père le conduit sur les bords de l'Océan et lui dit : « Voilà le champ que tu auras à cultiver. Ce champ est fécond autant que terrible. Travaille, ne tremble pas. » Puis le père et la mère confient leur enfant au prêtre de Jésus-Christ ! Le prêtre dit à l'enfant : « Aime ton père et ta mère, ils tiennent auprès de toi la place de Dieu. »
Le prêtre ajoute : « Bientôt, tu ne seras plus seulement l'enfant de la maison de ton père et ta mère, tu seras marin de la Bretagne, un défenseur de la France : reste toujours un soldat de Jésus-Christ. »
Jésus-Christ a aimé sa petite patrie : Jérusalem. Et quand il allait à la mort, le Christ pleurait. Il pleurait non pas à cause des douleurs qui l'attendaient, il pleurait sur la cité déicide qui allait, à cause de son crime, attirer sur elle la vengeance divine. Enfant, ne tue pas Dieu dans ton cœur. Garde ta foi, elle sera la sauvegarde de ta vertu et la source de ta vaillance. Le Christ a aimé sa grande patrie, le monde. Il est mort pour sauver l'univers. Le Christ a obéi à son père céleste jusqu'à la mort, et jusqu'à la mort sur la croix.
Toi, petit Breton, aime ta petite patrie, la Bretagne. Mais aime-la avec toutes ses croyances et toute sa poésie. La Bretagne, c'est l'avant-garde de l'armée française;
la Bretagne, c'est la réserve sacrée de l'armée du Christ.
A bord de ton navire, adore la croix, étendard de ton Dieu, et alors, dans les jours de combat, tu tiendras d'une main ferme le drapeau de là France.
Ici, avec le clergé et les fidèles, tu pries en Breton ; mais tous ensemble nous prions pour la France. Cette France, aime-la toujours. De même que le Christ a toujours obéi aux ordres de son père céleste, toi, obéis aux ordres de ton chef. Sur l'ordre de ton chef, cours à la victoire ou à une mort glorieuse sur un champ de bataille. Par obéissance, sois prêt à subir une mort qui paraît sans gloire dans les flancs obscurs d'un navire incendié. Dans les deux cas, ta mort sera une leçon. Tu apprendras à ceux qui viendront après toi la vaillance et l'obéissance.
Avant de quitter son Plouguerneau, le marin vient une fois de plus s'agenouiller devant l'autel du Christ. Là, le prêtre lui dit : « Enfant, ploie le genou devant Dieu, reste debout devant l'ennemi de la patrie. »
Instruit à l'école du Christ, avant le combat, avant le danger, le marin français vient allumer son courage à la lampe du sanctuaire. Il dépose aux pieds du ministre de Jésus-Christ le fardeau de ses péchés. Puis il s'en va, rempli d'une noble et sainte audace. Au jour du danger, il est sans crainte, car il est sans reproches.
Alors, il dicte son testament à l'oreille d'un frère d'armes : « Tu diras à mon épouse, je combats pour la France. Si je tombe au champ d'honneur, je me relèverai peut-être pour cueillir les lauriers de la patrie. Mais je ne combats pas seulement pour la France, je combats aussi pour Dieu, et si, tombant au champ d'honneur, je ne puis me relever pour cueillir les lauriers de la France, à mon réveil dans l'éternité je cueillerai les lauriers du paradis. Chère épouse, au revoir dans le ciel. »
Mes frères, donnez-moi des marins chrétiens et je vous donnerai une marine disciplinée, obéissante et invincible.
Marc-Joseph Chevert a toujours été un fils dévoué, un époux affectueux, un marin véritablement chrétien.
Il a aimé sa famille. Tant que sa mère a vécu, il a su se priver pour venir au secours de sa mère dans le besoin. Il a été un époux affectueux et un chrétien fidèle.
La veille de sa mort, il écrivait à son épouse : « Je demanderai vingt jours de permission ; de cette façon, je pourrai faire mes Pâques avec toi. »
Quand la catastrophe est arrivée, Chevert était animé des meilleures intentions ; et le Dieu qui a dit : « Paix aux hommes de bonne volonté » n'a pu qu'accueillir
avec miséricorde et amour ce marin breton, Français et chrétien, mort victime obscure de l'obéissance et du devoir : « Beati mortui qui in Domino morientur opéra enim illorum sequentur illos ». « Bienheureux ceux qui meurent dans le Seigneur ; leurs œuvres les accompagneront dans l'éternité ».
En priant pour Marc-Joseph Chevert, notre regretté compatriote, nous nous souviendrons que la France est notre grande patrie, et nous prierons pour tous les marins français morts à bord de « Iéna ».
« Requiem aeternam dona eis Domine et lux perpétua luceat eis ».
L'absoute donnée, le cortège se reforme sur la place et gagne la nécropole où, devant la chapelle de Notre-Dame de la Délivrance, le cercueil, toujours recouvert du drapeau tricolore, est placé sur deux tréteaux.
Les personnes présentes forment un demi-cercle. M. Abgrall, rédacteur à la Dépêche, représentant l'Association des anciens soldats et marins s'avance, et, au milieu d'un profond silence, il prononce un discours dont nous extrayons les
passages suivants :
Mesdames, messieurs,
Délégué par la société des Anciens soldats et marins pour assister aux obsèques de notre camarade Chevert, je ne veux pas laisser se fermer cette tombe si prématurément ouverte sans glorifier et adresser un dernier adieu au brave qui repose sous ce drapeau tricolore.
Chevert, messieurs, comme la plupart des Bretons, avait un véritable culte pour la patrie; il lui avait consacré sa vie, et c'est pour elle qu'il est tombé au champ
d'honneur, la poitrine trouée par un éclat d'obus.
Salut à ce héros, messieurs, honneur à lui ! Son nom sera porté sur le Livre d'Or de notre société et, chaque année, à la Toussaint, quand nous irons pieusement, en pèlerinage, déposer une couronne au pied du monument des morts pour la Patrie, nous adresserons un souvenir ému à sa mémoire.
Plus heureux que beaucoup de ses camarades, Chevert a pu être identifié, et ses restes, après avoir solennellement reçu les honneurs militaires à Toulon, ont été transférés avec pompe dans son pays natal. L'affluence des parents et amis qui entourent ce cercueil montre assez combien le défunt était aimé dans cette commune de Plouguerneau, pour que je n'insiste pas longuement sur ses qualités, et l'éloge que les amiraux Touchard et Manceron ont fait de cet officier-marinier modèle me dispense de vous parler de ses brillants états de services.
Il y a quatre mois, jour pour jour, Chevert avait la douleur de perdre sa vieille mère, qu'il adorait.
Il demanda à son commandant la permission d'assister aux obsèques, mais les exigences du service ne permirent pas au malheureux capitaine de vaisseau Adigard, qui, comme Chevert, trouva la mort dans la catastrophe de l’Iéna, de lui accorder cette autorisation.
Marin discipliné avant tout Chevert ne murmura pas ; il s'inclina devant la décision de son chef et, du chagrin plein le cœur, il se remit courageusement à la besogne quotidienne, n'ayant plus qu'un désir : revenir le plus tôt possible en Bretagne, s'incliner et prier sur la tombe de sa mère.
Hélas ! un cruel destin ne lui a pas permis de réaliser ce vœu, mais il va reposer aujourd'hui, et pour toujours cette fois, à l'ombre de son clocher, près de ceux qu'il a chéris.
Puissent, madame, cette dernière consolation et les sympathies de tous ceux qui sont réunis ici, alléger votre grande et profonde douleur.
Chevert, Au nom des Anciens soldats et marins et au nom de la Dépêche de Brest, je vous adresse un suprême adieu.
Profondément émus, les assistants défilent devant le cercueil, l'aspergent d'eau bénite, et se retirent lentement après s'être prosternés au pied du calvaire.