Enterré dans la nef de l'église

Linguistique - Anthroponymie - Toponymie :
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lucarne
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Enterré dans la nef de l'église

Message par lucarne »

Bonjour
Je retrouve parfois les termes "inhumé dans la nef de l'église" ou bien "enterré dans le choeur de l'église" dans les actes de sépulture de mes ancêtres. Est-que cet enterrement dans l'église indique un statut particulier?

Merci
Maëlle
sklerijenn
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Re: Enterré dans la nef de l'église

Message par sklerijenn »

Demat,
Pouvez vous donner les dates et les lieux de sépulture?
Bon appétit
bonne journée
Lucien Rohou
popeye
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Re: Enterré dans la nef de l'église

Message par popeye »

Bonjour,
A l'origine, il n'y avait pas de cimetière dans certains paroisses.
L'ensemble des paroissiens étaient enterrés dans l'église.
L'hygiène a obligé à arrêter ce type de pratique.
Les personnes les plus en vue étaient enterrées dans le coeur.
Cela n'a rien d'exceptionnel.
Cordialement
yvan calloc'h

CGF17591 - Houdeie - Auffret - Calloc'h et Caugant
sklerijenn
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Re: Enterré dans la nef de l'église

Message par sklerijenn »

A vrai dire, au départ, avant le IV° siècle, on incinérait et les os longs plus le crane étaient entreposés dans des tombelles. Seuls les personnages puissants étaient enterrés, avec souvent des objets leur ayant appartenu. La religion chrétienne a changé la donne. On enterrait autour de l'église parmi les ifs. A partir de la fin du XI° siècle, suite à la réforme grégorienne, on commence à créer de belles église. Les dévots les financent, et grâce au lin qui devient un commerce prospère, on agrandit et on magnifie ces lieux de cultes. Certains, paient pour obtenir des indulgences, d'autres lèguent des biens pour gagner une place au paradis. Ce fut le cas, en 1128 de Hervé, vicomte de Léon qui légua la terre de Saint Martin (Morlaix) aux moines dominicains.
Le cimetière, terre ouverte, où on enterrait à faible profondeur, était la proie d''animaux, surtout les porcs, qui déterraient les cadavres, ce qui était dangereux en cas de pandémie.
On gagnait sa place auprès de Dieu en se faisant enterrer dans l'église. Seuls, les criminels, les bandits, les acteurs, les suicidés restaient dans le cimetière, et on marchait sur leurs sépultures pour assister aux offices.
Il y eut plusieurs notifications royales et pontificales pour interdire ce rite, mais avant 1750, la peste bubonique, partie de Brest fit des ravages. Il n'y avait plus de place dans les églises pour enterrer, surtout à 60 ou 80 cm de profondeur. On revint enterrer dans le cimetière que l'on entoura d'un mur, que l'on ferma d'une grille, et où on entrait en passant des échaliers. Je suis très rapide, il y a des dates plus espacées de ces étapes, mais les enclos paroissiaux sont nés de ce retour au cimetière dans le Léon.
Noz vad
bonne journée
Lucien Rohou
lucarne
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Re: Enterré dans la nef de l'église

Message par lucarne »

Bonjour Lucien
sklerijenn a écrit : 17/05/2021 12:00 Demat,
Pouvez vous donner les dates et les lieux de sépulture?
Bon appétit
Les actes concernés sont des sépultures à Beuzec Cap-Sizun en 1713 et 1714.
lucarne
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Re: Enterré dans la nef de l'église

Message par lucarne »

popeye a écrit : 17/05/2021 19:07 Bonjour,
A l'origine, il n'y avait pas de cimetière dans certains paroisses.
L'ensemble des paroissiens étaient enterrés dans l'église.
L'hygiène a obligé à arrêter ce type de pratique.
Les personnes les plus en vue étaient enterrées dans le coeur.
Cela n'a rien d'exceptionnel.
Cordialement
Et à cet époque, cela veut dire quoi d'être une personne "en vue"? C'était une question de richesse ou il y avait-il d'autres facteurs?
lucarne
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Re: Enterré dans la nef de l'église

Message par lucarne »

sklerijenn a écrit : 17/05/2021 21:19 A vrai dire, au départ, avant le IV° siècle, on incinérait et les os longs plus le crane étaient entreposés dans des tombelles. Seuls les personnages puissants étaient enterrés, avec souvent des objets leur ayant appartenu. La religion chrétienne a changé la donne. On enterrait autour de l'église parmi les ifs. A partir de la fin du XI° siècle, suite à la réforme grégorienne, on commence à créer de belles église. Les dévots les financent, et grâce au lin qui devient un commerce prospère, on agrandit et on magnifie ces lieux de cultes. Certains, paient pour obtenir des indulgences, d'autres lèguent des biens pour gagner une place au paradis. Ce fut le cas, en 1128 de Hervé, vicomte de Léon qui légua la terre de Saint Martin (Morlaix) aux moines dominicains.
Le cimetière, terre ouverte, où on enterrait à faible profondeur, était la proie d''animaux, surtout les porcs, qui déterraient les cadavres, ce qui était dangereux en cas de pandémie.
On gagnait sa place auprès de Dieu en se faisant enterrer dans l'église. Seuls, les criminels, les bandits, les acteurs, les suicidés restaient dans le cimetière, et on marchait sur leurs sépultures pour assister aux offices.
Il y eut plusieurs notifications royales et pontificales pour interdire ce rite, mais avant 1750, la peste bubonique, partie de Brest fit des ravages. Il n'y avait plus de place dans les églises pour enterrer, surtout à 60 ou 80 cm de profondeur. On revint enterrer dans le cimetière que l'on entoura d'un mur, que l'on ferma d'une grille, et où on entrait en passant des échaliers. Je suis très rapide, il y a des dates plus espacées de ces étapes, mais les enclos paroissiaux sont nés de ce retour au cimetière dans le Léon.
Noz vad
Merci pour ces informations très intéressantes.
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François Le Gad
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Re: Enterré dans la nef de l'église

Message par François Le Gad »

Un peu de lecture à ce sujet :
Cet état de fait précède de peu le premier arrêt du Parlement de Bretagne en date du19/8/1689 qui enjoint de n’accepter dans l’édifice consacré que les seuls possesseurs d’enfeux ainsi que les clercs. En effet, dès les années 80 la chute est importante mais semble s’expliquer moins par le début d’une législation plus sévère que par la qualité de l’enregistrement des actes qui se limite très souvent au nom et prénom de la personne décédée ainsi qu’à son lieu de résidence et oublie ainsi d’y citer l’emplacement des tombes.Un nouvel arrêt du Parlement de Bretagne en date du 16/8/1719 « fit defenses à tous Recteurs & Curés des Paroisses de la Province, tant en ville qu’à la campagne, à tous supérieurs de communautés & Maisons Religieuses, à tous Chapelains & autres personnes, de faire aucuns enterremens dans leurs Eglises & Chapelles, si ce n’est de ceux qui y avoient droit, & leur enfeu». Un rappel a lieu le 2/10/1741 où le législateur remontre «[...]dans plusieurs endroits de la Province, & surtout de la Basse-Bretagne, les Paysans surtout, s’opiniâtrent à y faire inhumer, & rassemblent souvent plusieurs corps dans la même fosse, ce qui ne sert qu’à répandre de plus en plus la contagion dans ces cantons affligés de la Dysenterie [...] ce qui est un abus et un scandale qu’il est à propos d’arrêter». Le dernier enterrement en la chapelle est célébré le 8/2/1752 et concerne un homme âgé de quatre-vingt cinq ans résidant au bourg de Saint-Jaoua même. Un dernier Arrêt du Parlement de Bretagne en date de 1754 fait défense d’inhumer dans les églises sous peine de 10 livres d’amende. On verra dans un prochain article, que ce rappel à la loi n’a pas été respecté pour l’église paroissiale de Plouvien et que des désaccords persistent entre le clergé et les paroissiens concernant l’élection de la tombe dans l’église et que le recul est lié essentiellement à la pression institutionnelle
(Extrait de http://bualsantjaoua.org/wp-content/upl ... ua4656.pdf )

Ce n'était pas spécifique à cette paroisse, c'était le cas dans toute la Bretagne. Il a fallu plus d'un demi siècle pour faire appliquer cette interdiction. Les défunts étaient d'abord enterrés religieusement dans le cimetière, puis les familles revenaient la nuit suivante pour déterrer le corps, enfoncer la porte de l'église, et l'enterrer à l'intérieur, près de Dieu.
Cordialement,
François CGF12101
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